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À LA UNE

Vincent Lambert : La justice valide la procédure d'arrêt des soins

 Le Figaro, le 31 jan. 2019

 

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) a confirmé aujourd'hui "l'obstination déraisonnable" faite à Vincent Lambert, dans un état végétatif depuis dix ans, ouvrant la voie à la procédure d'arrêt des soins voulue par le CHU de Reims.

 

 

"Il résulte (...) que le maintien des soins et traitements constitue une obstination déraisonnable" et "que la volonté de Vincent Lambert de ne pas être maintenu en vie dans l'hypothèse où il se trouverait dans l'état qui est le sien depuis dix ans, est établie", affirme l'ordonnance dont l'AFP a obtenu copie.

 

Les parents du patient, fermement opposés à sa fin de vie par arrêt des traitements, avaient déposé une requête en urgence, pour tenter de suspendre la décision collégiale du CHU, prise le 9 avril 2018. Mais le Dr Vincent Sanchez a eu raison de retenir que "le maintien des soins et traitements qui sont prescrits à Vincent Lambert, dont l'alimentation et l'hydratation font partie, n'a pour effet que le seul maintien artificiel de la vie du patient", poursuit cette ordonnance de référé.

 

L'état "irréversible" du patient tétraplégique de 42 ans, père de famille, a été souligné par deux expertises judiciaires, en 2014 puis en 2018. Dans ces conditions, la décision du médecin n'est "pas contraire aux prescriptions" posées par la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, reprises dans le Code de la santé publique, a souligné le tribunal administratif dans un communiqué dans l'après-midi.

 

La mise en oeuvre effective de l'arrêt des soins demeure cependant incertaine: les parents du patient avaient en effet annoncé qu'ils feraient appel devant le Conseil d'État si leur requête était rejetée.

 

Le Jugement du Tribunal Administratif in extenso.

 



Le docteur Yves de Locht, médecin belge, auteur du livre récemment paru "Docteur, rendez-moi ma liberté", répond aux attaques fréquentes dont il est l'objet

28 janvier 2019

 

Bonjour à tous,

 

Dommage que je sois chaque fois obligé de rétablir la vérité.

 

Mes interventions en France n’ont certainement pas pour but de dénigrer le système de santé française.

 

Le thème principal abordé lors des conférences est évidemment la modification de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie.

 

J’ai un profond respect pour les Soins Palliatifs avec qui je travaille quotidiennement. Ils font partie en Belgique des lois de 2002: droits du patient, soins palliatifs et dépénalisation de l’euthanasie.

 

A chaque réunion française, je répète que je ne suis pas du tout contre les S.P. Je les respecte et j’admire tous ceux qui y travaillent. Ils ne sont évidemment pas assez développés en France.

 

Malheureusement ils ne sont pas la panacée universelle.

 

Dois-je encore rappeler  que chaque jour, des Français nous appellent : certains sont passés par les S.P. et ils ont acceptés tous les traitements imposés. Mais ils sont au bout de la souffrance et ils nous supplient de les aider.

 

Que peut faire le médecin ou l’infirmier devant un patient paralysé qui se plaint de ne plus pouvoir tendre le bras vers ceux qu’il aime?

Je suis certain que nous devons lui laisser le choix d’une autre fin de vie.

 

Voilà quelques réflexions personnelles faites très tôt ce matin. Elles peuvent évidemment être communiquées à toutes et tous.

 

Cordialement.

Yves de Locht.

 


VINCENT LAMBERT : 55 MÉDECINS CONTESTENT LA VALIDITÉ DE L’EXPERTISE MÉDICALE

Article paru dans Gènethique

Le 22 janvier 2019.

Merci à Nathalie Andrews de nous l'avoir transmis.

 

Le 20 janvier, 55 médecins Spécialistes de la prise en charge des personnes en état végétatif ou pauci-relationnel (cf. Etat végétatif chronique et état pauci-relationnel ce qu’ils sont… et ne sont pas et Etats pauci-relationnels : Fin de vie ou grand handicap ?)ont adressé une lettre aux juges du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour contester la validité de l’expertise médicale de Vincent Lambert (cf. Conclusions d'expertise sur l'état de santé de Vincent Lambert : il n'y a pas d'obstination déraisonnable !)  menée dans le cadre de la procédure en cours. Les 46 signatures ont été rassemblée en un week-end, après le rejet la demande de changement de juridiction de l’affaire prononcé mercredi par la Cour administrative de Nancy (cf. Vincent Lambert : pas de changement de juridiction, les avocats feront appel au Conseil d'Etat). Dans la foulée, tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait suscité une audience lundi (cf. Vincent Lambert : une audience prévue pour lundi prochain) Gènéthique publie intégralement cette lettre.

 

 

Mesdames et Messieurs les Juges du Tribunal,

 

Nous sommes tous spécialistes de la prise en charge des personnes en état de conscience altérée, qu’elles soient en état d’éveil non répondant (également appelé état végétatif chronique ou EVC) ou en état pauci-relationnel (EPR). La fluctuation de leur état de conscience (en fonction des moments, des stimulations, des personnes intervenantes) est une des spécialités de ces patients.

 

 

Nos confrères Xavier Ducrocq, Edwige Richer et Catherine Kieffer, qui ont participé aux opérations d’expertise de Monsieur Vincent Lambert, nous ont fait pas des modalités d’évaluation de la conscience qui lui ont été appliquées : Vincent Lambert a été évalué un soir de 20h30 à 21h30, puis un matin pendant 1h30 en présence de 7 personnes, pour lui, inconnues. Ces évaluations comportementales n’ont pas été réitérées par la suite.

 

Les experts judiciaires ont conclu au diagnostic d’état végétatif permanent.

 

Ils affirment également que nourrir et hydrater Monsieur Vincent Lambert ne peut être constitutif d’une obstination déraisonnable et ils préconisent un transfert dans une autre unité.

 

Si nous ne pouvons que les approuver sur ces deux derniers points, nous contestons en revanche le protocole d’évaluation mis en œuvre et son résultat. Eu égard au caractère fluctuant de ces patients, l’évaluation doit être renouvelée à différents moments de la journée et sur plusieurs jours comme le recommande le professeur Steven LAUREYS du Coma Science Group de Liège : la CRS-R doit être appliquée au patient au minimum 5 fois en 10 jours pour que les résultats soient considérés comme fiables (cf. Evaluations comportementales chez les patients en état de conscience altérée – Wolff et coll – EMPR 2018 – page 54).

 

Une bonne évaluation nécessite également des conditions favorables : un milieu stimulant et bienveillant permettant au patient d’être en confiance, puis une évaluation par une équipe pluridisciplinaire formée à l’observation, familière du patient, en relation avec ses proches. Dans tous les cas, la règle fondamentale selon laquelle une absence de manifestation de conscience à un instant donné ne signifie pas l’absence de conscience, doit être rappelée.

 

La seule imagerie morphologique ne peut en aucun cas, à elle seule, fonder l’évaluation de l’existence ou non d’une conscience. L’évaluation clinique comportementale dans les conditions énoncées ci-dessous, reste fondamentale. Elle peut être avantageusement complétée par l’imagerie fonctionnelle, laquelle n’a de valeur qu’en cas de résultat positif.

 

C’est forts de toutes ces considérations que, au quotidien, dans nos unités, conformément à la circulaire n°2002-228 du 3 mai 2002, nous prenons en soin, de la même façon, les personnes en état de conscience minimale et celles en état d’éveil non répondant.

 

Dès lors que Monsieur Vincent Lambert n’est pas dans le coma, n’est pas exposé à un risque vital, et n’est pas en fin de vie, il relève de cette circulaire relative aux droits des patients.

 

Monsieur Vincent Lambert n’a pas été évalué conformément aux règles de l’art. Cela est d’autant plus inquiétant que ce qui s’appliquera à sa personne pourrait, par la suite, concerner aussi tous ceux qui partagent sa condition.

 

Conscients du caractère exceptionnel de la présente démarche, il nous parait, en conscience, nécessaire de vous alerter.

 

Nous vous prions d’agréer, Mesdames et messieurs les Juges du tribunal, l’expression de toute notre considération pour votre responsabilité et votre lourde tâche en ces circonstances.


Il se passe quelque chose d'assez remarquable au Québec au sujet de l'aide médicale à mourir.

Article de Yves Boisvert, du quotidien La Presse, le 17 janvier 2019.

Merci à Nathalie Andrews, de l'ADMD Belgique, qui nous l'a communiqué.

 

Le sujet est réputé difficile, et pourtant une loi québécoise l'autorisant a été adoptée à l'unanimité. Ottawa a attendu un jugement de la Cour suprême, pour finalement adopter une loi plus restrictive.

 

Et voilà que dans un très rare mouvement, six ordres professionnels, dont ceux des médecins, des infirmières, des avocats et des notaires, demandent au gouvernement du Québec de contester la loi actuelle.

 

Le gouvernement du Québec a le pouvoir de s'adresser à la Cour d'appel pour qu'elle se prononce sur une question juridique. Ce mécanisme du « renvoi » a été utilisé plusieurs fois dans l'histoire, par les provinces et le gouvernement fédéral - qui, lui, peut soumettre la question directement à la Cour suprême.

 

L'esprit posé et consensuel du débat public autour de cette question témoigne d'une sorte de maturité politique qui devrait nous réjouir, me semble-t-il.

 

Le gouvernement de François Legault devrait en profiter et sauter sur l'occasion pour faire oeuvre socialement utile.

 

Socialement et humainement. En ce moment, le débat est mené par deux personnes lourdement malades ou handicapées. Si ce n'était de leur avocat Jean-Pierre Ménard, elles n'auraient jamais les moyens de mener ce combat. Dans l'état actuel du dossier, le gouvernement se trouve en position de s'opposer à leur demande pour défendre « sa » loi. Comme le procureur général du Canada défend la sienne.

 

Au contraire, le procureur général du Québec devrait faire cause commune avec Nicole Gladu et Jean Truchon. Il devrait contester la loi fédérale.

 

***

 

Il y a quatre ans, la Cour suprême a invalidé l'article du Code criminel qui interdit l'aide au suicide - dans sa portion aide médicale à mourir. Jusque-là, un médecin qui administrait une substance pour faire mourir un malade était coupable d'un crime. La Cour suprême citait en exemple la loi québécoise et ses balises pour éviter les abus - deux avis médicaux, etc. Sauf que la loi québécoise était une loi de « soins de santé ». Le débat ne peut se régler qu'à Ottawa pour des raisons constitutionnelles : c'est le Parlement fédéral qui a compétence en matière de droit criminel.

 

Que disait la Cour suprême ? Interdire l'aide médicale à mourir est une violation du droit à la vie et à la sécurité des malades incapables de mettre fin à leurs jours, ou craignant de le devenir. Cela les place dans une situation de souffrance inhumaine.

 

Bref, les articles du Code criminel interdisant l'aide médicale à mourir sont inopérants « dans la mesure où ils prohibent l'aide d'un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie ; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ».

 

***

 

Il n'est nulle part question dans ce jugement de mort imminente. Une personne peut souffrir d'une affection chronique la faisant affreusement souffrir et y survivre pendant 20 ans.

 

Or, Ottawa a permis l'aide médicale à mourir seulement pour les cas où la mort est « raisonnablement prévisible ». C'est carrément un critère plus restrictif que celui de la Cour suprême.

 

À l'époque de l'adoption de la loi, on a attaqué le caractère vague de l'expression « raisonnablement prévisible ». Avec raison, la ministre de la Justice de l'époque a répliqué que le droit fait souvent appel à des critères imprécis tels que « personne raisonnable », etc.

 

Le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'on impose un horizon temporel de survie à brève échéance. Pour la Cour suprême, la souffrance intolérable est un critère suffisant, pas besoin de démontrer l'imminence de la mort.

 

On comprend que le changement était majeur sur le plan social. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que le gouvernement Trudeau ait opté pour une première loi restrictive.

 

Mais quatre ans après le jugement, la pratique n'a pas fait apparaître d'abus envers les personnes vulnérables. On a par contre vu plusieurs cas où des gens se sont fait dire d'endurer leur souffrance, car elles n'étaient pas sur le point de mourir dans un avenir prévisible.

 

Il ne s'agit pas d'élargir le critère de l'arrêt Carter, pour rendre admissibles les personnes atteintes de démence. Ce sera le prochain débat, qui doit aussi être fait.

 

Il s'agit pour le moment tout simplement d'appliquer le jugement. Il dit noir sur blanc que la loi actuelle est inconstitutionnelle. Le gouvernement Trudeau n'ira sûrement pas attaquer « sa » loi devant la Cour suprême. Mais Québec devrait aller faire dire l'évidence à la Cour d'appel : la loi actuelle perpétue des situations inhumaines.

 

Ce sera ensuite au gouvernement fédéral de réécrire sa loi... ou d'oser aller demander à la Cour suprême si elle a bien dit ce qu'elle a dit, ce qui risque de faire une audience assez courte...

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